Salaün Magazine n°7 - page 25

Salaün
Magazine
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DOSSIER|
L'Ouest américain
décrite dans son roman,
les raisins de
la colère
. » Pour la plupart d'entre nous,
la Route 66 évoque cependant les Six-
ties, les belles américaines traversant
les villages poussiéreux, les restos de
bord de route assommés par le soleil.
« Cela fait aussi partie du mythe de la
Route 66, poursuit Louise. Elle suscite
beaucoup de nostalgie chez ceux qui
l'ont empruntée en famille pendant leur
enfance, dans les années soixante. Elle
leur rappelle une période d'insouciance,
où l'automobile symbolisait la liberté et
la découverte d'une Amérique profonde
encore très vivante. Il se passait beau-
coup de choses sur le parcours ; c'était
une aventure beaucoup plus excitante
que bien des trajets monotones qu'on
effectue aujourd'hui sur l'autoroute. »
La Route 66 est aussi celle des
bikers
,
ces motards qui viennent y faire
un pèlerinage devenu universel. On
s'amuse d'y croiser des centaines de
Harley-Davidson chevauchées par des
hordes de citoyens du monde en quête
de grand air. À Flagstaff, en Arizona,
nous finissons cette première journée
sur la Route 66 dans un de ces saloons
signalés par des néons et maintes fois
aperçus au cinéma : des gaillards en
chemise à carreaux, chapeau vissé sur
le crâne, y font danser les belles du
coin, habiles dans leurs bottes de cow-
boy et leurs mini shorts en jean. Ce soir,
le groupe local qui se produit sur la
scène est emmené par une
country girl
à la voix rauque. Rien n'est artificiel, la
tradition est bien vivante. Nous sommes
bien dans l'Ouest américain d'aujourd'hui
et nous ne boudons pas notre plaisir de
nous sentir contemporain d'un tel mythe.
Les gorges profondes
du Colorado
À Flagstaff, nous sommes déjà au cour
de l'Arizona, un état mythique pour ses
sites grandioses, qui ont inspiré bien des
westerns. Le fleuve Colorado a trans-
formé ses plateaux en lacs et gorges aux
dimensions hallucinantes. C'est à bord
d'un hélicoptère que nous tournons nos
premières images du Grand Canyon.
Lorsqu'on s'en approche par les airs, en
rasant un paysage forestier complète-
ment plat, on a du mal à imaginer que
l'on s'apprête à plonger dans une gigan-
tesque faille à l'intérieur de laquelle le
relief est très irrégulier. Entre les deux
rives du Grand Canyon s'élève en effet
une véritable forêt de pics qui forment
un labyrinthe minéral dans lequel le
regard se perd rapidement. Nos caméras
elles-mêmes peinent à saisir l'immen-
sité du canyon, profond de 1,3 km, en
moyenne et dont la largeur atteint 30 km
par endroits ! À terre, une fois parvenu
au bord de la faille, on comprend mieux
la configuration du site, bien qu'on ne
puisse pas s'attendre, avant de l'avoir
sous les yeux, à de telles dimensions. À
des centaines de mètres en contrebas, le
Colorado n'est plus qu'un ruban sinueux
qui contourne les obstacles qu'il a com-
mencé à creuser au temps des derniers
dinosaures.
À quelques kilomètres à vol d'oiseau du
grand Canyon, le mythique lac Powell,
qui borde la ville de Page, est en réalité
une immense retenue d'eau créée par un
impressionnant barrage sur le Colorado.
Nous sommes ici en amont du Grand
Canyon, à la limite de l'Utah et de l'Ari-
zona, deux États qui dépendent forte-
ment du lac Powell pour leur production
d'eau et d'électricité. Le lac Powell est
aussi un site consacré à la pêche, à la
voile, mais aussi à la randonnée, à pied
Comme les membres de toutes les nations amérindiennes, les Navajos ont payé un lourd
tribut à la conquête de l'Ouest. Malgré les traités de paix initiaux, dès le début du
xix
e
,
les Américains blancs vont spolier les terres indiennes, décimer des tribus entières et
formaliser leur déportation sur des terres jugés ingrates comme celles qu'occupent les
Navajo aujourd'hui. Les révoltes des Comanches, des Sioux ou des Cheyennes furent
réprimées à l'occasion de véritables massacres, dont le dernier, qui eut lieu en 1890, mit
fin à la résistance des Sioux. Une fois les Indiens à genoux, c'est tout un pan du mythe
américain, celui de la frontière marquant la limite ouest des conquêtes, qui s'effondrait.
Pendant un siècle et demi, la conquête de l'Ouest avait en effet modelé le visage mais
aussi la mentalité de l'Union en devenir. La ruée vers l'or, en 1848, provoquera un afflux
massif de populations de mineurs, qui laisseront derrière eux des mines abandonnées
et des villes fantômes. Les cow-boys, ces éleveurs de bétail, sont eux aussi en quête
d'espace et investissent les terres isolées de l'Ouest. Au milieu du
xix
e
, lassés de leur
isolement, ces pionniers obtiennent la création d'un service de diligence, le Pony
Express. Il faut imaginer ces attelages traversant le désert à vive allure, pour faire circuler
le courrier, entre le Pacifique et le Missouri, sous le regard médusé des Indiens. Après
les diligences, viendront les poteaux du télégraphe. En 1869, télégraphe et train achèvent
de relier la côte est au Pacifique ; la frontière n'existe plus. L'Amérique est unie et les
touristes, artistes et voyageurs se lancent aussi dans une conquête qui se poursuit
aujourd'hui encore.
À l
'
ouest,
une conquête tragique
Page de gauche, en haut : la route 66 est un véritable
musée à ciel ouvert. La première route transcontinentale
goudronnée d'Amérique a été déclassée en 1985 sans
rien perdre de son caractère mythique.
En bas à gauche : le survol du Grand Canyon en
hélicoptère est une expérience fascinante. En bas à droite :
près de Page, le lac Powell est une destination touristique
très prisée, offrant de nombreuses possibilités de sports
nautiques. Ci-dessus : le long de la route qui relie le
Grand Canyon à Page, des échoppes d'artisanat indien.
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