Salaün Magazine n°7 - page 34

Salaün
Magazine
| Page 34
PORTFOLIO
IMPRESSIONS
new
-
yorkaises
Philippe Béasse
Comment passe-t-on de l'hôtellerie à la photographie ?
Je n'ai pas fait de choix, je pratique les deux et crée ainsi un équilibre
entre ma profession et ma passion. Il y a une similitude entre l'hôtellerie
et les voyages, ce sont les rencontres. Dans mon métier, les gens viennent
vers moi, il m'appartient alors d'approfondir certaines relations lorsque
cela est possible. Durant les voyages, les rencontres doivent être provo-
quées et la photographie est un vecteur favorable.
D'où vient cet amour pour New York ?
De certaines lectures, d'abord. Beaucoup plus jeune, j'ai adoré l'am-
biance du roman de Truman Capote,
Summer Crossing
,
La Traversée de
l'été
. Ensuite, j'ai recherché des photographes pour « pomper » une inspi-
ration, un style. Saul Leiter s'est complètement imposé, et je suis immé-
diatement passé du noir et blanc, que je développais dans ma cuisine, à
la couleur. La ville de New York est devenue obsessionnelle. On l'imagine,
on la rêve et souvent, lors du premier séjour, on essaye de retrouver les
repères fantasmés.
Vos images de la ville sont assez loin des clichés du genre, avec
une ambiance assez sombre. Pourquoi ?
Votre remarque m'enchante. Être loin des clichés, apporter un regard
différent, revisiter une imagerie et convaincre est un graal pour un pho-
tographe. Mais je pense avoir évolué dans ces images. Les premières
réalisées à New York devaient être dans la veine de mes prédécesseurs,
les ambiances de Times Square, de Manhattan, les longues perspec-
tives des avenues, les bouquets de buildings, les gratte-ciel. Après de
nombreux séjours, mon rayon d'action a considérablement augmenté, et
même si les villages de Manhattan m'attirent toujours, les autres quartiers
ont opéré un formidable magnétisme sur mes photos. Je ne pense pas
assombrir à dessein, je rapporte juste des images de quartiers qui n'ont
rien de touristiques, mais qui constituent la vraie ville humaine. En tra-
versant ces quartiers, assez loin des pistes touristiques, on s'invente des
craintes, on imagine des scénarios, mais si l'on sait rester humble et ne
pas provoquer, on demeure transparent aux yeux de la population.
Vous avez, je crois, travaillé
aussi sur le reste des États-
Unis ?
Oui. Parcourir les merveilles de
la nature de ce pays demeurera
l'un de mes plus grands souve-
nirs. Les profondeurs du Grand
Canyon, les lumières de Bryce,
de Zion, d'Arches, les contre-
forts de Capitole Reef etc. sont
inoubliables. Mon rêve serait,
à l'instar des photographes
américains Joel Sternfeld, entre
autres, de parcourir sans limite tous les États des USA, une chambre pho-
tographique à l'arrière de mon pick-up, et saisir chaque instant ou chaque
portrait qui me paraîtrait essentiel, afin de rendre hommage à ces terri-
toires et aux rêves qu'ils ont fait naître.
Depuis peu, vous vous êtes lancé dans un nouveau projet : les
portes, qui semble se rapprocher de la photographie plasticienne ?
Ces portes sur lesquelles je travaille depuis 2014 sont une nouvelle
manière d'aborder la ville de New York, d'associer les grandes tendances
du
street art
à mon envie de créer davantage que des photographies. Les
portes sont des traits d'union entre la rue, la partie visible et publique,
et l'intime, l'invisible, le privé. J'aime la peinture, mais je ne sais pas
peindre. Par contre, je sais faire des photographies et utiliser tous les
outils de post-production. Ces portes sont composées à partir d'une base
de portes réelles, photographiées au gré de mes promenades, et d'af-
fiches, de textes, d'annonces, de publicités. J'associe le tout pour créer
de nouvelles photographies, des tags, etc.
Retrouvez les ouvres de Philippe Béasse sur le site internet :
Né en 1955 et d'origine parisienne, Philippe Béasse est aujourd'hui directeur de l'hôtel-restaurant le Kermoor de Bénodet.
Passionné par la culture américaine et plus particulièrement par New York et ses habitants, c'est avec talent et passion
que ce photographe et grand voyageur nous fait partager, à travers son art, l'atmosphère si particulière de la Grosse
Pomme. Philippe Béasse propose des expositions sur New York City, San Francisco, les paysages américains, et expose
également de très beaux tirages en grands formats.
Propos recueillis par Serge Vincenti
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