Salaün Magazine N°6 - page 37

l'ancienne capitale, à laquelle les crues à
répétition ont fait préférer l'autre rive du
fleuve, Krung Thep, où les canaux furent
comblés pour devenir des rues ordinaires.
A Thonburi donc, cabanes, pavillons
riches, temples doivent tout à l'eau. Même
les varans. « Ce ne sont pas des croco-
diles. Ils sont utiles car ils mangent les
rats. Alors les gens les laissent dormir sur
leur terrasse », rassure la guide. Devant
les portes aussi, des paniers pour coqs de
combat, des vêtements sur porte-man-
teaux, des chaises longues et beaucoup
de fleurs. Au croisement des canaux, des
panneaux de signalisation comme sur nos
routes. Toute une vie s'organise au fil
de l'eau dans une sérénité ambiante qui
surprend. Mais fini de rêver, il est temps
de rejoindre la foule.
A la gloire de Bouddha
Et pour cela, le longue-queue nous ramène
sur le fleuve pour une escale à Wat Arun,
le temple de l'aube. De loin, l'ensemble de
style khmer avec son grand prang, sa tour
de 82 mètres de haut, semble bien gris. De
près, c'est un flamboiement de couleurs :
toutes les parois sont recouvertes d'éclats
de porcelaine qui scintillent selon la
lumière. Pour les plus courageux, les deux
premiers étages du prang se montent par
des marches étroites et périlleuses pour
obtenir un beau panorama sur le fleuve
et la ville tandis qu'en bas, les statues
du bouddha sont honorées. Les jeunes
Thaïlandais ne sont pas les derniers à
offrir des billets accrochés aux branches
de mini arbres dans des salles ornées de
cadeaux hétéroclites fait par les fidèles.
Comme ces surprenantes horloges com-
toises... Le bateau s'impose pour regagner
l'autre rive et dénicher le tuk-tuk qui
me permettra de poursuivre la suite de
l'odyssée. Marché conclu : il s'appelle
Anek, a 23 ans et avec son engin jaune
et vert, il nous accompagnera pour un
forfait modique à chaque prochaine étape.
Et pour commencer par l'incontournable
Grand Palais ou Palais Royal.
Le roi ne réside plus dans cette immense
succession de temples et palais. Le grand
bâtiment d'apparat aux multiples styles
européens mélangés sert de résidence aux
hôtes de marque et ne se visite pas. Dans
leurs uniformes blancs, affublés de casques
coloniaux, les gardes impassibles font le
bonheur des photographes de souvenirs.
La magnificence des temples, statues et
décors khmers, chinois ou birmans emplit
les yeux. Jusqu'à une maquette géante du
temple d'Angkor du Cambodge voisin.
Une file d'attente se forme devant le Wat
Phra Kaeo qui héberge le fameux Bouddha
d'émeraude, le plus vénéré du pays et...
le plus petit. Seulement 66 centimètres
et pas du tout en émeraude. Autrefois
BAnGkok ET LE RoI
E
n sa capitale, l'image de Rama IX est omniprésente. En pied, en portrait, en
arc de triomphe, seul ou avec son épouse, jeune ou dans la force de l'âge,
en militaire, tenue de cérémonie ou professeur, Bhumidol Adulyadej fédère
les communautés de Thaïlande. Au fronton des édifices publics, mais aussi des
entreprises ou maisons particulières, pas un drapeau national sans l'étendard
jaune du souverain à ses côtés. Couronné en 1946, Rama IX, monarque constitu-
tionnel comme en Grande-Bretagne ou Espagne, est le plus ancien dirigeant en
exercice au monde et le plus vénéré de son peuple.
Gravementmalade à 86 ans, il ne fait plus que des apparitions épisodiques àBang-
kok, résidant la plupart du temps à Hua Hin, plus au sud, villégiature balnéaire
royale. Sa personnalité consensuelle a permis à la Thaïlande de surmonter les re-
mous politiques récurrents. L'idôlatrerie dont il est l'objet peut parfois surprendre.
Premier avertissement donné aux touristes : ne rien faire en public qui puisse
être assimilé à un manque de respect à son image. Un coup de vent emporte un
de vos billets de banque à son effigie ?
A Brest, une rue de Siam, à Bangkok, une rue de Brest !
Surtout ne pas le rattraper en le bloquant du pied, la partie du corps la plus
sale pour les Thaï. Un agent peut vous amener au poste. Et au tribunal avec
au barème officiel... dix ans de prison. Prudent également de ne pas dire
apprécier Anna et le roi. Ce roman de l'américaine Margaret Landon, basé sur
les mémoires d'une préceptrice anglaise des enfants du roi Mongkut, Rama
IV, a fait l'objet de plusieurs adaptations à l'écran, dont Le Roi et moi en 1956
avec Deborah Kerr et Yul Brynner et Anna et le roi en 1999 avec Jodie Foster et
Chow Yun-Fat. Deux films interdits en Thaïlande pour atteinte à la monarchie.
Rama IV y serait abusivement présenté comme cruel envers son peuple et sen-
sible aux femmes. Par contre, évoquer Louis XIV, notre souverain à nous, est
de bon ton. Le faste déployé à Versailles en 1686 lors de la venue d'une délé-
gation du royaume de Siam, l'ex Thaïlande, reste une page incontournable de
l'histoire du pays. Cette année-là, trois ambassadeurs accompagnés
de six mandarins et d'une nombreuse suite suscitèrent une curiosité
inégalée en traversant la France. A Brest, où ils avaient débarqué, la
rue qu'ils empruntèrent fut aussitôt rebaptisée « rue de Siam » et
l'est toujours aujourd'hui. En souvenir, en février 2013,
c'est la voie menant à l'ambassade de France à Bang-
kok qui a été renommée « rue de Brest ». Une mémoire
d'éléphant pour ces Thaïlandais qui ont la spécificité unique
au monde d'être le seul pays à n'avoir jamais été occupé par
un autre et de n'en avoir jamais occupé aucun.
Sur les rives du Chao Praya comme dans les rues, Rama IX est incontournable.
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