Salaün Magazine N°6 - page 32

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l'argent. Mais c'était une huaca, un endroit
sacré, dédié à l'adoration d'une divinité
et aux rites sacrificiels. Pas question de
l'exploiter.
Quand en 1545, un amérindien du nom
de Hualpa découvre un filon d'argent et
commence à l'exploiter, Potosi n'était
encore qu'un hameau de quelques âmes,
à trois mille cinq cents mètres d'altitude,
au cour d'un désert glacé et stérile. Mais
il ne faudra pas longtemps pour que
la nouvelle parvienne aux oreilles des
Espagnols et qu'il se jettent sur le nouvel
eldorado. En quelques années, des milliers
de tonnes d'argent sont chargées sur les
galions et prennent la direction de l'Europe.
Un trésor fabuleux pour les uns, un cau-
chemar pour les autres. L'exploitation
de ces mines est responsable de la mort
de 6 à 8 millions d'hommes depuis 450
ans. Les Espagnols introduisirent pour le
développement de la mine un système de
travail collectif hérité des Incas, la mita,
une forme de conscription obligatoire
pour toutes les populations des Andes qui
devaient rejoindre Potosi pour y travailler
un an, sorte de transition entre esclavage
et travail libre. Les conquérants fournis-
saient la coca, l'alcool, les habitations, en
déduction d'un maigre salaire. Les ouvriers
qui ne mouraient pas à la mine avaient
rarement de quoi retourner chez eux au
bout d'un an. Potosi s'enrichit ainsi pen-
dant plusieurs décennies. Une fois épuisée
la main d'ouvre andine, l'argent servit
à payer des cargaisons de main d'ouvre
noire qui venait d'Afrique, alimentant le
système du commerce triangulaire.
Cette exploitation dura jusqu'en 1825, date
de l'indépendance de la Bolivie. L'argent
presque épuisé fit place à l'étain et la
A gauche, devant l'entrée de la galerie,
une guardia mina. Souvent femmes de
mineurs, elles surveillent les mines la
nuit pour empêcher les vols de matériel.
A droite, le minerai est extrait des
galeries et transporté dans des
wagonnets avant d'être récupéré par les
camions.
Les palliris
A
utour des entrées de mines, des groupes de
femmes sont assises auprès des tas de gravats.
Ce sont les palliris, les veuves de mineurs. Elles
survivent en triant les déchets de la mine. Les mains
calleuses mais l'oil expert, elles repèrent les restes de
minerai enfermés dans les pierres et l'extraient avec
leur marteau. Souvent mères de nombreux enfants, le
corps perclus d'arthrite et de rhumatismes, quand ça
n'est pas la tuberculose, elles sont là, chaque jour, pour
gagner les quelques bolivianos qui feront survivre la
famille.
El tio
S
upai, le dieu des profondeurs, était pour les Indiens un dieu protecteur.
Avec l'arrivée des Espagnols et du catholicisme apparu la notion de
diable. Le Dieu à l'intérieur de la mine n'était plus protecteur mais deve-
nait une menace pour les mineurs qui ne travaillaient pas assez. Dios (Dieu en
espagnol) devint Tius, puis Tio, qui n'a en fait aucun rapport avec le tio, oncle
en espagnol. La tête du Tio est toujours surmontée de cornes, qui symbolisent
le diable. Ses yeux sont fait de pierres brillantes, qui rappellent le minerai et
d'un pénis imposant, symbole de la fertilité de la terre. Avant de commencer
le travail dans la mine, les mineurs déposent les offrandes à ses pieds et sur
les différentes parties de son corps.
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