Salaün Magazine N°6 - page 31

Salaün
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B
asilio n'a pas encore 16 ans.
Le visage en sueur, il écrase
péniblement son marteau trop
lourd pour ses bras encore
frêles sur la barre à mine.
Mesure la longueur du trou. Cogne encore.
asilio est l'assistant de Jose, le respon-
sable de la dynamite. Quand le trou est
assez profond, celui-ci glisse l'explosif au
fond après y avoir inséré le détonateur. «
Tiro, tiro » C'est le signal d'alerte. La mèche
est allumée, il faut trouver refuge au plus
vite dans les galeries avoisinantes. Un
son effrayant, puissant et sourd, ébranle
la montagne.
Dans les entrailles de la terre
Dans un nuage de poussière presque
opaque, Basilio rejoint le lieu de l'explo-
sion, remplit les sacs de minerai, les
charge sur son dos et, en empruntant
des échelles de bois branlantes, les porte
jusqu'aux niveaux supérieurs. Il les trans-
porte ensuite dans une brouette, pour les
déverser dans le wagonnet, qui, poussé
par trois autres assistants, rejoindra la
sortie de la mine. Basilio fait la « dobla
». Il arrive à 8 heures du matin et repart
le lendemain à la même heure. 24 heures
de travail. « Je suis fier de travailler ici,
comme l'a fait mon père, mais je veux
étudier, devenir professionnel, trouver
un autre travail que la mine. C'est trop
dur, la mine. Personne ne veut y rester ».
A quelques pas de l'entrée de la mine, il
rejoint ses compagnons dans une petite
maison d'adobe. C'est la pause. J'offre -
c'est la coutume - les emplettes faites au
marché des mineurs, au pied de la mon-
tagne. Quelques bâtons de dynamites, des
cigarettes, de l'alcool à 98° et surtout des
feuilles de coca. Les mineurs la mâchent
toute la journée, mélangée à une sorte de
chaux en pate, qui démultiplie ses effets.
Elle permet d'atténuer la fatigue et le froid.
En parcourant les rues du centre ville
de Potosi, il suffit d'admirer la qualité
architecturale des maisons, l'élégance des
balcons sculptés, la richesse des églises
pour imaginer le passé richissime de la cité.
Au XVII
e
siècle, c'était la plus grande ville
d'Amérique du Sud. A cause, ou grâce à
cette montagne, le
Cerro Rico. Les In-
diens savaient déjà
qu'elle contenait de
On dit souvent de la Bolivie qu'elle représente l'Amérique latine
authentique. S'il est moins visité que le Pérou voisin, ce pays grand
comme deux fois la France, s'étalant entre les Andes et l'Amazonie,
a en effet beaucoup d'atouts, tant géographiques qu'humains. C'est
au sud du pays que se trouve la ville de Potosi qui fut jadis, grâce à
l'exploitation de l'argent, l'un des plus grands centres industriels au
monde. Au pied du mythique sommet de Cerro Rico, elle est aussi un
important lieu de mémoire, le symbole vivant de l'exploitation des
hommes au profit de l'enrichissement de quelques autres.
SERGE VINCENTI
Mâcher la coca est
pour les mineurs le
seul moyen de résister
au froid et à la fatigue.
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