Salaün Magazine N°6 - page 43

Salaün
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repas, Vona, leur fille anthropologue,
présente un petit film sur le rite fascinant
du retournement des morts, une pratique
qui consiste à sortir les défunts de leurs
tombeaux à intervalles réguliers pour
renouer avec eux, changer les linceuls
et, à travers eux, communiquer avec les
esprits des ancêtres. Ceux qui ont la chance
d'assister à une de ces cérémonies d'où
toute tristesse est bannie - il s'agit de
« retrouvailles » - en gardent un souvenir
inaltérable.
Après une étape sur la fameuse nationale
7 - ici aussi, c'est la mythique route du
sud -, une dorsale très prisée des touristes
car elle permet de découvrir l'intérieur du
pays rouge et de gagner les rives méridio-
nales de l'île, nous prenons la direction
de l'est. Non sans un arrêt à Mantasoa,
un site hors du temps où se trouve la
maison de Jean Laborde, un aventurier
et industriel français qui y fonda une cité
quasi-industrielle au XIX
e
siècle. Fonderie,
faïencerie, papeterie, poudrerie. Laborde
fut un industriel touche à tout, protégé de
la reine malgache et devint même consul
de France dans l'île. Il plane sur le village
de Mantasoa une ambiance mélancolique
qui offre un excellent prétexte à l'évo-
cation des liens entre la France et l'île,
particulièrement au
XIX
e
.
Plus à l'est, à Mora-
manga, le musée
de la gendarmerie,
récemment ravagé
par un cyclone, livre dans un joyeux
désordre les souvenirs de la gendarmerie
coloniale et de la guerre d'indépendance.
Avec peu de moyens, son animateur
s'escrime à rassembler les documents et
témoignages qui manquent encore à son
ouvre. La route sera longue. La forêt pri-
maire de Mantadia, sérieusement menacée
par la déforestation, commence aux portes
de la ville. La visite de deux parcs, l'un
national et l'autre communal, nous per-
met de partir à la rencontre des célèbres
lémuriens, ces primates endémiques de
Madagascar, proches de l'homme, car
pourvus de véritables « mains ». Ceux
que nous découvrons au petit matin sont
encore endormis, lovés à la cime d'arbres
tropicaux. Mary, guide propriétaire d'une
petite chambre d'hôte à proximité, nous
apprend dans un sourire qu'un autre aspect
rapproche le lémurien de l'Homme : il est
lui aussi monogame et vit en famille ! C'est
d'ailleurs pour le rappeler à tous qu'au
réveil, il pousse un cri impressionnant
destiné à délimiter le territoire familial.
A Mantadia, les nombreux guides et
leurs éclaireurs postés dans la forêt nous
mènent avec une facilité déconcertante à
la découverte des caméléons, des boas et
de nombreuses espèces végétales.
En allant vers la côte est, on s'éloigne
des Hautes-terres, la forêt tropicale des-
cend vers l'océan Indien et le climat se
réchauffe. Aujourd'hui, c'est la fête de
l'indépendance, la fête nationale. Les
bords de route grouillent de Malgaches
en goguette depuis plusieurs jours. Les
conducteurs roulent tranquillement dans
des véhicules aux peintures impeccables,
des 2CV, 4L, 404, 104, Diane et autres
véhicules oubliés, qu'on croirait pourtant
fraîchement sortis de l'usine. Les villages
de cases sur pilotis
aux toitures de
feuillage s'étirent le
long de la route. On
ralentit, les regards
sont curieux, un
peu timides mais
il suffit de sourire
pour illuminer les
Rizière au pied d'un
petit village typique
des Hautes-terres.
Ici, l'animal est
encore le pivot de
l'activité agricole.
La maison du
Français Jean
Laborde est
aujourd'hui un petit
musée consacré à
cet aventurier
entrepreneur qui a
marqué l'histoire de
l'Ile rouge.
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