Salaün Magazine N°6 - page 54

Salaün
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d'Hanoï, le jour se lève tout doucement
dans un paysage embrumé. Même à
30 km/h, notre tortillard a su profiter de
la nuit pour prendre ses distances avec la
ville. De temps à autre, des vaches paissent
le long de la voie, sans prendre le temps
de regarder passer le train. Ici, ce n'est pas
la Normandie. Elles signalent simplement
la présence d'un petit village, dont les
maisonnettes sortent à peine de la forêt.
Le train, parfois, s'y arrête. Un voyageur
descend ; un autre embarque. C'est ainsi
que notre copain de voyage nous quitte.
En pleine forme.
Une ville frontière
Lao Caï arrive enfin. C'est une vraie ville
frontière, agitée, nerveuse. La gare est
cernée par des vendeurs à la sauvette,
des chauffeurs de taxi pressants et des
flics qui ne semblent guère plus honnêtes
qu'eux. La frontière sino-vietnamienne est
à trois kilomètres. Au poste de Hekou. Là,
un pont franchi le Fleuve Rouge. La Chine
est juste en face. Impressionnant voisin,
avec lequel les relations sont complexes.
Il fut l'allié indispensable du Vietnam
pour vaincre les restes du colonialisme
et le gendarme américain, et gagner une
indépendance forgée dans un demi-siècle
d'une guerre particulièrement cruelle parce
qu'elle était aussi fratricide. Il fut aussi un
ennemi dont les ambitions hégémoniques
agacent les Vietnamiens. En 1979 - ce
n'est pas vieux - une attaque chinoise
détruisit totalement la ville de Lao Caï.
Aujourd'hui, la méfiance est toujours
de rigueur. Mais les affaires ont repris
le dessus. On est chez les Asiatiques ! Et
la monumentale entrée dans l'empire du
Milieu voit défiler chaque jour des milliers
de vélos chargés d'improbables denrées
et poussés par des femmes menues et
indomptables.
«Les Alpes tonkinoises»
Lao Caï n'a d'autre intérêt que d'être ce
poste frontière, le terminus de la ligne
ferroviaire d'Hanoï. Mais, aussi, celui
d'être à un trentaine de kilomètres de Sapa.
Une trentaine de kilomètres qui vous
emmènent dans un autre monde. Sapa
est la capitale de ce que les Français, qui
ont créé cette ville, avaient baptisé « les
Alpes tonkinoises ». Et l'on est effective-
ment dans les Alpes. A Chamonix. Avec
des rues en pente, des chalets savoyards
et, tout autour, des montagnes. Certes,
moins élevées, moins enneigées, mais qui
composent un paysage envoutant.
Comme à Chamonix, on y croise des
randonneurs, on y
savoure une bière
en terrasse, on
consulte les cartes.
L'air est tonique ;
le soleil, caressant,
attend l'heure de
l'apéritif.
Il est temps de sortir de
ses rêves alpins et de
redescendre sur terre.
Sapa a tout d'un coup
pris des couleurs. Les
ethnies des montagnes
ont pris possession des rues, donné vie
au marché. Les femmes déambulent, à
la fois insolentes et réservées, sans âge,
coquettes dans leurs costumes dont les
moindres détails sont des signes d'appar-
tenance à une tribu. Chaque jour, laissant
les hommes à leur sieste, elles quittent le
secret de leurs montagnes et affrontent
les lumières de la ville. Pour vendre des
bijoux, des broderies, des tissus à des
touristes surpris par leur effronterie et
leur insistance.
Le marché est l'endroit le plus animé de
Les Hmong sont
des maraîchers
remarquables.
Leurs champs et
leurs rizières sont
travaillés avec
méticulosité.
La rue principale de
Sapa, jolie petite
station de montagne.
Une semaine après
notre passage, il a
neigé sur les « Alpes
tonkinoises ».
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