Salaün Magazine n°7 - page 58

Salaün
Magazine
| Page 58
S
i ça continue, je vais devenir
citoyen d'honneur. Citoyen
d'honneur d'un pays qui
n'existe pas, ce serait la
classe, non ? En 2011,
lors du grand raid Brest-
Samarcande, nous avions
traversé cette ancienne
région moldave. Collée au fleuve Dniepr
comme un polype, elle bloque sur plus
de 200 km le passage entre la Moldavie
et l'Ukraine.
À moins d'effectuer un interminable
détour par le nord, le plus court est de
passer par la Transnistrie, au niveau de sa
capitale, Tiraspol. Le plus court, mais pas
le plus simple. Car il faut se plier à des
formalités et des contrôles par des policiers
et des douaniers dont les mours évoquent
plus celles des bandits de grand chemin
que de fonctionnaires respectueux des lois.
Mais quelles lois, au fait ? Car la Trans-
nistrie est un pays qui n'est reconnu par
aucun autre pays membre de l'ONU. Les
douaniers ne peuvent pas tamponner
votre passeport et vous ne pourrez poster
aucune carte postale en Transnistrie. Les
pots de vin sont, en revanche, largement
pratiqués, avec un aplomb qui donnerait
des complexes au plus vicieux des poli-
ciers ukrainiens.
Une fois passés ces contrôles - encore
plus pénibles à la sortie qu'à l'entrée - on
pénètre dans une sorte de « Sovietland »,
un conservatoire du communisme à la
soviétique. Lénine trône encore serei-
nement au cour de la grande avenue
déserte de Tiraspol, en face de l'austère
immeuble du Parti ; un char
domine le mémorial et la flamme
éternelle qui célèbrent le courage
des habitants de la ville lors de la
Seconde Guerre mondial. Un autre
monument évoque une histoire
plus récente, une histoire qui
explique ce qu'est la Transnistrie
aujourd'hui.
Jusqu'en 1991, elle était une région de
la République de Modalvie, alors inté-
grée à l'URSS. À la dissolution de cette
dernière, la Moldavie a décidé de prendre
son indépendance et de se rapprocher
de sa voisine et cousine, la Roumanie.
C'en était trop pour les Transnistriens,
majoritairement d'origine russe et rus-
sophones. Tiraspol hébergeait à l'époque
la prestigieuse
xiv
e
 armée russe. La petite
enclave proclama son indépendance,
ferma des frontières fictives, s'inventa
un drapeau, frappa monnaie, entonna
un hymne national et se mit sous la
protection de la garnison russe. Celle-ci
se montra attentionnée. Lorsqu'en 1992,
la Moldavie se mit en tête de reprendre
cette riche province perdue, elle se heurta
à une troupe commandée par le général
Lebed. La guerre fut brève mais la défaite
sanglante.
Depuis, la Transnistrie vit dans un iso-
lement paisible mais un peu triste. On
semble s'y ennuyer en attendant le retour
dans le giron de la Grande Russie.
Longtemps improbable, ce retour semble
aujourd'hui possible. Les événements de
Crimée ont montré que la Russie de Pou-
tine n'oubliait pas ses fils et filles coincés
dans des enclaves au cour de pays qui,
non contents d'avoir quitté la Fédération,
faisaient les yeux doux à l'Europe. La
Crimée a retrouvé sa mère patrie. Alors,
pourquoi pas demain la Transnistrie ?
Le Sovietland peut se préparer à vivre
des jours agités.
REPORTAGE |
Transnistrie
la Transnistrie vit dans
un isolement paisible
mais un peu triste.
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