Salaün
Magazine
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poursuites, ces routes de ciment épuisés
où dérapaient les belles américaines de la
police ou un Robert De Niro névrosé dans
Taxi Driver, mais plutôt dans les quartiers
est de la ville, comme Bushwick, qui a
gardé une réputation sulfureuse.
Pour l’heure, je quitte Brooklyn pour
découvrir Manhattan au grand jour.
Le vrai point de départ, celui qu’on ne
peut que conseiller à tout voyageur qui
découvre New-York, c’est Ellis Island, la
petite île où furent contrôlés les millions
d’immigrants, surtout européens, qui ont
gagné l’Amérique entre 1892 et 1954. Un
tiers des Américains d’aujourd’hui ont
un ancêtre qui est passé par Ellis Island,
où se trouve aussi la statue de la Liberté.
Une fois à New-York, il faut absolument
embarquer à la pointe de la cité et visiter
le poste d’accueil des immigrants. Sur de
magnifiques clichés en noir et blanc, on
suit le parcours de milliers de familles de
Bohème, d’Allemagne, du Caucase, des
Balkans, d’Italie, d’Irlande bien sûr… leurs
regards hagards mais pleins d’espoirs en
disent plus long que bien des livres d’His-
toire sur la tragédie de l’exil et l’espoir
d’un monde meilleur. C’est là qu’à l’issue
de longues heures dans les nombreuses
files d’attente du grand Hall, on posait aux
candidats quelques questions en anglais,
vérifiait leur bonne santé et qu’au bout
du dernier contrôle, on leur accordait le
visa d’immigration. Il ne leur restait alors
plus qu’à embarquer sur les bateaux qui
les déposeraient à Manhattan. Récits
d’immigrants, enregistrements, photos,
exposition d’objets sur la vie des nouveaux
américains : le musée d’Ellis Island permet
de comprendre ce qui fait aujourd’hui
encore de New-York une ville à part. C’est
là qu’on mesure de manière tangible à
quel point, depuis sa fondation, elle tire
l’essentiel de son énergie du rêve qu’ont
les arrivants du monde entier d’y faire
un nouveau départ. Même si l’exposition
montre que beaucoup conserveront long-
temps la nostalgie du vieux monde. Sur
un panneau, le témoignage d’un Italien
interrogé raconte qu’on lui avait dit qu’à
New-York les trottoirs étaient pavés d’or.
Après avoir quitté Ellis Island et mis pied
terre à Manhattan, il explique s’être rendu
compte que les trottoirs n’étaient pas du
tout pavés d’or, que les rues n’avaient en
fait pas de trottoirs et que ce serait à lui de
les construire ! A l’occasion d’une escale
de la vedette, on peut aussi monter au
balcon de l’imposante Statue de la Liberté
et observer la vue époustouflante sur Man-
hattan et la baie de New-York. L’Irlandais
qui m’accompagne ne s’attarde pas près
de la grande Dame de fer offerte par la
France à la jeune Amérique. Il est à Ellis
Island pour affaire. C’est en effet ici qu’on
peut consulter les registres d’immigration
recensant celles et ceux qui ont un jour
émigrés vers les Etats-Unis. Il me confie
que son métier consiste à organiser des
voyages en Irlande pour les Américains
qui souhaitent retrouver leurs ancêtres.
Au vu des centaines de personnes qui
cherchent à remonter le fil de leur pré-
sence en Amérique en pianotant sur les
ordinateurs d’Ellis Island, il est clair que
sa petite entreprise des monts Wicklows
n’est pas prête de connaître la crise !
De retour sur la terre ferme, je traverse la
City et m’engage dans la petite Wall Street,
où se trouve la bourse de New-York. Elle
débouche en face d’une église de style
gothique perdue au milieu des tours.
Ces dernières s’y font plus oppressantes
qu’ailleurs et la lumière ne descend pas
jusqu’en bas de la rue. Le quartier est le
plus ancien de l’île, celui où la diversité
architecturale des gratte-ciels est aussi la
plus évidente. On y vient aussi pour les
commerces de vêtements, d’Hi-fi, les nom-
breux snacks. Le dimanche, le quartier est
particulièrement calme. J’ai pu le vérifier
en y repassant à vélo quelques jours plus
tard, à mi-chemin de mon périple circu-
laire sur le pourtour de l’île. Au moment
de remonter vers le nord, j’hésitais à
m’engager sur une route à quatre voies
qui me permettrait sans doute de rejoindre
les berges de l’Hudson. Malgré la relative
Le musée d’Ellis Island, consacré
à l’histoire de l’immigration aux
USA.
C’est à deux pas du musée
que l’on trouve la célèbre statue
de la liberté, cadeau de la France
aux Etats-Unis.
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