Salaün
Magazine
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Aujourd’hui, le site a retrouvé toute
sa splendeur, et si l’on n’y croise plus
d’Apaches ni de soldats serbes, on y a
cependant rendez-vous avec une flore
et une faune exceptionnellement bien
préservées. Mais ce qui frappe surtout à
Plitvice, ce sont ces innombrables lacs
et bassins aux eaux limpides. «Nous
sommes dans une région karstique,
explique Romain, guide franco-croate.
Des sédiments de travertin, une roche
calcaire, se sont déposés sous le cours
des rivières et des lacs pour former cet
ensemble de lacs et cascades. C’est un
peu une grotte à ciel ouvert. Le site de
Plitvice est aussi un havre de paix pour
la faune. On peut même parfois y voir
des ours. On peut sillonner le pourtour
des lacs à pieds mais aussi les traverser
en bateau.» On aurait tort de croire qu’en
Croatie, l’Istrie soit la seule région aux
racines italiennes. À Zadar, Trogir, Split
ou Dubrovnik, trois superbes villes for-
tifiées qui bordent l’Adriatique, l’ombre
de Venise plane sur le passé. On s’y sent
très loin de Zagreb ou de l’intérieur des
Balkans. À Zadar, les vestiges d’un grand
temple romain jonchent encore le cœur
de la ville. Après l’arrivée des Slaves et
une longue période sous le règne byzan-
tin, Zadar fut administrée par Venise
pendant plusieurs siècles. Une des traces
les plus insolites de cet héritage est le
nombre impressionnant de glaciers qui y
ont pignon sur rue, dont le plus célèbre
glacier de Croatie, la maison Donat.
Curieusement, les bombardements de Za-
dar, qui ont largement détruit les édifices
austro-hongrois, ont davantage épar-
gné les bâtiments plus anciens, comme
l’église Saint-Donat, une église préro-
mane à plan circulaire dont la construc-
tion a débuté au
ix
e
siècle. C’est le plus
grand édifice pré roman de Croatie et l'un
des plus émouvants témoins de l’Europe
carolingienne dans les Balkans. Tour-
née vers le large et les îles de Pasman et
Ugljan, deux îles très fréquentées par les
habitants de la ville, Zadar dégage une
atmosphère sereine. Loin d’être un mu-
sée, elle attire de plus en plus de jeunes
Croates par son authenticité. Zadar a
souffert, mais elle croit désormais en son
avenir et fait souvent partie des coups
de cœur d’un voyage dans les Balkans.
Les paquebots ne s’y trompent d’ail-
leurs pas. De plus en plus nombreux à
y faire escale, ils réservent une surprise
de taille à leurs passagers lorsque ceux-
ci débarquent sur les quais de Zadar, au
son d’une envoûtante mélodie océane,
celle des orgues marines de l’architecte
Nikola Bašic. Ingénieusement installés
sous la cale, les orgues résonnent au gré
du ressac et des vents dominants. À toute
heure du jour, les accords du grand orgue
adriatique contribuent fortement à la
poésie et au charme d’une escale à Zadar.
Trogir et le vertige des âges
Qu’on longe la côte ou que l’on sil-
lonne ses îles, on s’aperçoit que le littoral
croate regorge de cités maritimes for-
tifiées bâties sur des anciens îlots, des
promontoires ou encore des presqu’îles.
Ceintes d’épais remparts, tournées vers le
large, elles semblent prêtes à détacher les
amarres qui les relient à un arrière-pays
qui, pendant des siècles, a représenté une
menace, qu’elle fut byzantine, slave, ot-
tomane, autrichienne ou serbe. Parmi
ces citadelles de pierre aux toits rouges,
citons Rab, sur l’île éponyme, mais aus-
si, au sud de Zadar, l’adorable village de
Primošten, la ville de Šibenik ou encore
un des joyaux du monde méditerranéen,
la ville de Trogir. Elle est entièrement
classée au patrimoine de l’humanité en
tant que rare exemple de continuité ur-
baine et architecturale depuis l’Antiquité
grecque. En foulant du pied ses pavés
rendus luisants par près de 3000 ans
d’histoire, on passe de la Grèce à Rome et
l’on tourne à petites foulées les pages de
REPORTAGE |
La Croatie
ZADAR A SOUFFERT, MAIS ELLE CROIT
DÉSORMAIS EN SON AVENIR
ET FAIT
SOUVENT PARTIE DES COUPS DE CŒUR
D
’
UN VOYAGE DANS LES BALKANS.
La ville historique de Trogir est inscrite sur la liste du
patrimoine mondial de l’Unesco. Elle est bâtie sur une
petite île située entre le continent et l’île de Čiovo.