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Salaün

Magazine

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uiconque découvre la

Croatie des années 2010

a du mal à croire qu’une

guerre terrible a ravagé

une partie de ce pays il

y a moins de 30 ans. Les

inoubliables joyaux véni-

tiens de l’Istrie, les traver-

sées vers les îles de Rab, Pag, Pašman ou

Murter, la découverte de superbes villes

médiévales comme Šibenik ou Trogir ou

encore la silhouette de l’archipel des Kor-

nati dans le couchant ont vite fait d’effa-

cer les stigmates et les mots qui tentent

d’expliquer ce conflit. Comme disparaît

chaque jour un peu plus le souvenir de

la Yougoslavie. La Croatie est devenu un

pays à part entière, qui se visite désor-

mais comme tel, y compris à l’occasion

de courts séjours pour découvrir les villes

superbes, et bien reliées aux aéroports

français, que sont Dubrovnik, Zagreb,

Split ou Zadar.

C’est toutefois par le nord de la Croa-

tie et la fière péninsule de l’Istrie que la

plupart des voyageurs entrent dans le

pays. La capitale touristique de l’Istrie,

maritime, riante et apprêtée, est sans

conteste Rovinj. C’est une des cités les

plus visitées de Croatie. Pourtant, comme

l’ensemble de l’Istrie, dont une partie est

aujourd’hui en Slovénie et en Italie, Ro-

vinj défend sa différence. Elle entretient

même une certaine rivalité vis-vis de la

région croate de Dalmatie, plus au sud.

Construite sur un éperon rocheux, qui

était encore une île au

xvi

e

siècle, Rovinj

est une ancienne cité illyrienne. Elle fut

conquise par l’Empire romain avant d’être

colonisée par les Slaves, puis de se pla-

cer sous la protection de Venise jusqu’à

sa chute, en 1797. Les murailles défen-

sives de Rovinj, destinées à protéger ses

citoyens des invasions turques, ainsi que

ses trois portes monumentales font partie

des témoignages les plus spectaculaires

de la période vénitienne. Passée sous do-

mination austro-hongroise au

xix

e

siècle,

Rovinj connut alors à la fois une phase

de modernisation mais aussi de déclin,

car l’empire favorisa les villes voisines

de Trieste, Pula et Rijeka. Le déclin fut

cependant compensé par l’avènement du

tourisme au

xx

e

siècle.

Il suffit d’une promenade dans le lacis

de ruelles qui s’élèvent vers la cathédrale

Sainte-Euphémie pour mesurer à quel

point les piliers de l’histoire économique

de la ville soutiennent encore la vie de

la cité. La pêche d’abord, car Rovinj est

restée un des principaux ports de pêche

croates. Le patrimoine et les traditions

maritimes, notamment musicales, font

d’ailleurs la fierté de ses habitants. Tout

aussi présente, la pierre, qui a fait la ri-

chesse de la ville et lui donne la même

splendeur minérale que Venise, bâtie

elle aussi avec la pierre des environs de

Rovinj. Le commerce enfin, car Rovinj a

gardé, du temps de Venise, l’âme d’une

ville marchande, plus ouverte aux in-

fluences extérieures et à l’Europe que

d’autres cités croates.

S’ils sont en majorité d’origine slave,

les habitants de Rovinj et de l’Istrie sont

encore très influencés par leur proximité

avec l’Italie et par la présence depuis tou-

jours d’une large population italienne qui

y a gardé sa culture. On l’estime à 12 %

de la population totale. L’Istrie est d’ail-

leurs une région officiellement bilingue,

de langues croate et italienne et des pan-

neaux bilingues attestent cette double

appartenance. En été, les Italiens sont

légions sur la péninsule, située à trois

heures de route de Venise.

En Istrie, comme dans tout le nord de

REPORTAGE |

La Croatie