Salaün
Magazine
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DÉVELOPPEMENT DURABLE
Amaru est un village qui se mérite. Il campe dans les montagnes qui surplombent la vallée sacrée, à une
soixantaine de kilomètres de Cuzco la magnifique.
JEAN LALLOUËT
Pour y accéder, en sortant de la ville de Písac, on emprunte une route
qui grimpe vers le ciel. Tout d’abord, rassurante. Elle a été creusée dans
la falaise et s’y accroche en confiance. Puis, au fur et à mesure que l’on
s’élève, elle semble s’être contentée d’avoir repris les traces d’anciennes
sentes de bergers. Le chemin se rétrécit, les courbes se font de plus en
plus serrées. On traverse des villages aux maisons blotties les unes contre
les autres.
Sur le bord du chemin, on croise des paysans qui se hâtent vers un champ,
la houe sur l’épaule, le regard baissé. À notre passage, des cantonniers
qui refont une route que les dernières pluies ont endommagée se rangent
sur le bas-côté et nous saluent en souriant.
Tout en haut, au bout de la route, c’est Amaru. La ferme de Freddy et de sa
femme Elizabeth surplombe le village, juste à côté de l’école communale.
C’est une maison traditionnelle, fermée sur une cour intérieure. On y entre
par une large porte où les maîtres des lieux nous accueillent comme des
princes. On nous fait enfiler un poncho et on nous coiffe d’un bonnet
péruvien avant de nous passer autour du cou un collier de fleurs locales.
Nos tenues de randonnée un peu tristes ont laissé place à un festival de
couleurs éclatantes déclinées en de savants motifs.
La communauté affiche tout de suite son art : celui du tissage. Elle a été
créée pour permettre à des tisserandes du village et des alentours de se
retrouver pour travailler en commun et mieux valoriser leur production
auprès des visiteurs.
Elles sont ainsi une dizaine à tisser à même le sol, dans la petite cour
intérieure. Pour la plupart, elles sont veuves ou mères célibataires. Les
gamins jouent dans les jupes de leurs mères ; les plus jeunes viennent
prendre la tétée au gré de leur appétit… Cette cour semble un havre de
paix.
Un havre de savoir, aussi. En quelques minutes, on nous explique
comment, à partir d’une laine brute, on aboutit à ces magnifiques
costumes aux couleurs éclatantes et aux savants motifs issus d’une
tradition transmise avec rigueur de mère en fille, au fil des générations.
Ici, on fabrique les colorants à partir de plantes, on teint la laine, on la
file… Et enfin on la tisse, sans machine, avec un savoir-faire ancestral…
et une patience qui ignore le temps.
Il est maintenant l’heure du déjeuner. Dans le jardin, Freddy a préparé à
la première heure un foyer typique. Il a creusé un trou dans la terre et en
a tapissé le fond de bonnes braises qu’il a recouvertes de pierres rondes
comme des galets.
Le foyer est alors prêt à accueillir le plat du jour, typique du Pérou : du
Amaru, le village
qui tisse des liens
Pérou solidaire