Salaün Magazine n°7 - page 46

Salaün
Magazine
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REPORTAGE |
Kiev
pas réussi à domestiquer Kiev.
Des grandes avenues ? Il y en a. Mais les
interminables perspectives que l'on trouve
dans les autres grandes villes russes sont
toujours brisées par un immeuble histo-
rique, rescapé des destructions guerrières
ou urbanistiques, ou une construction
moderne posée là dans l'urgence d'un
développement économique qui veut rat-
traper le temps perdu. Les grands espaces
vides, qu'offrait le cour même de la ville,
n'ont pas toujours résisté aux pressions
des investisseurs.
Tout cela rend difficile la découverte de la
ville. Et encore plus de son âme. Bien sûr,
il y a les belles églises de Saint-Michel,
Sainte-Sophie ou Saint-André, toutes
perchées sur les collines qui dominent la
ville ; bien sûr, il y a le belvédère Vla-
dimir Gorska, d'où l'on domine le fleuve
Dniepr qui descend jusqu'à la mer Noire ;
bien sûr, il y a la majestueuse place de
l'Indépendance.
Mais il faut faire preuve de beaucoup
d'attention et mettre ses pas dans ceux
d'un bon guide pour dénicher des perles
dans cet aimable fatras. Ici, un immeuble
kitch du début du
xx
e
siècle ; là, une rue
paisible épargnée par les tumultes de
l'histoire ; là encore, le marché couvert où
la bonne société vient faire ses courses.
Pour autant, les Kieviens se fichent de cette
ambition de découvrir leur ville en deux
jours. Eux la vivent. Particulièrement un
samedi. Les rues sont animées, la circu-
lation chaotique et bruyante, et on ne se
lasse pas du spectacle des jeunes femmes
négociant, avec une élégance précaution-
neuse, des chaussées mal pavées, leurs
longues jambes piquées sur des chaussures
à talons aiguilles hauts comme des cols de
cygne. L'Ukrainienne a la cheville solide.
Un sourire printanier
Une bande bleu ciel, une bande jaune. Le
drapeau de l'Ukraine ne s'embarrasse pas
de grandes références historiques. Le jaune
symbolise les grands champs de blé de la
plaine ukrainienne. Et peut-être, aussi,
la blondeur et le teint délicatement hâlé
des femmes de ce pays. Le bleu n'est que
le reflet du ciel qui illumine l'Ukraine la
majeure partie de l'année.
C'est vrai qu'il est bleu, le ciel de cette
fin de printemps. D'un bleu pur, limpide,
qui ne laisse aucune place aux nuages,
fussent-ils annonciateurs de beau temps.
Que viendraient-ils y faire puisqu'il fait
définitivement beau ?
L'air est vif, la température délicieuse-
ment tempérée. Il ne nous reste plus qu'à
emboîter le pas alerte de notre guide, qui
se promène à Kiev, sa ville natale, comme
dans son jardin.
Avec elle, une entrée d'immeuble totale-
ment anodine ouvre une porte sur l'allée
des Paysages - Peizachna Alleia. Elle
domine la ville et est devenue un lieu
d'expression artistique étonnant. Chaque
mètre réserve une surprise, un clin d'oil à
l'humour caché des Ukrainiens. Ici, un chat
ouvre sa gueule pour offrir un siège ; là,
un banc est appareillé d'une couverture et
d'un oreiller en plastique, prêt à accueillir
une sieste ou la nuit d'un clochard.
Dans cet espace de liberté et de création,
chacun vient faire ce qui lui plaît.
Et tout cela se passe sous le regard de saint-
André, dont la magnifique église aux cinq
clochers qui lui est dédiée porte encore un
peu plus vers les cieux ce havre de paix.
On redescend de ce firmament par une rue
mal pavée - la descente de Saint-André -
bordée de boutiques et de brocanteurs
en tous genres. Sur 300 m, elle récite un
inventaire de Prévert à la mode ukrai-
nienne. Depuis les costumes traditionnels
made
on ne sait pas trop où, jusqu'aux
fausses vraies médailles de l'Armée rouge
en passant par des icônes qui ne peuvent
dater que du
xix
e
siècle, siècle qui inventa
l'industrialisation.
Depuis, et malgré la guerre dans l'Est,
Kiev a retrouvé son charme légendaire
et sa qualité de vie unique.
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