Salaün
Magazine
| Page 47
I
l est 22 heures en cette fin de jour-
née de printemps. La nuit est tom-
bée sur le port du Bloscon – eau
profonde en breton – à Roscoff. À
la tombée du jour, les feux se sont
allumés sur la mer. Le grand phare
de l’île de Batz, bien sûr, mais
aussi des tourelles plus modestes
qui balisent les accès difficiles de la côte
roscovite, longtemps impénétrables aux
navires anglais ennemis : Men Guen
Bras, Duslen, Ar Chaden…
Le
Pont-Aven
quitte alors doucement
son quai d’amarrage et prend la route
du large. Celle de l’Irlande, de Cork plus
précisément, à 200 milles de Roscoff.
À bord du vaisseau amiral de la Brit-
tany Ferries, les 2000 passagers ont déjà
pris le rythme du bord et se préparent à
une nuit en mer. Ils ont embarqué deux
bonnes heures avant le départ, le temps
de prendre possession de leurs cabines,
de dîner dans l’un des deux restaurants
du bord et de repérer les engageants
bars derrière lesquels s’activent des bar-
men empressés.
La plupart partent pour une longue vi-
rée en Irlande. Quelques-uns – comme
nous – simplement pour une croi-
sière d’un week-end, un aller et retour
express sur un ferry beau et accueillant
comme un paquebot. Une agréable pa-
renthèse maritime avec une bonne pinte
d’air irlandais.
Les lumières de la côte sont encore vi-
sibles lorsque le silence s’installe dans
les coursives. La plupart des passagers
ont rejoint les cabines pour une bonne
nuit de sommeil, rythmée par la respi-
ration apaisée du bateau. La sortie de la
Manche et l’entrée en mer d’Irlande se
font par mer calme. Un vrai bonheur.
Le
Pont-Aven
trace sa route avec assu-
rance dans des eaux parmi les plus
capricieuses et les plus fréquentées du
monde. D’ici les îles Scilly, le ferry va
croiser pas moins de quatre rails sur les-
quels les cargos forment un train inin-
terrompu, sans compter des dizaines de
bateaux de pêche peu manœuvrants. A
la passerelle, dans une obscurité quasi
totale, simplement percée par la lumière
tamisée des instruments de navigation,
la vigilance est de tous les instants.
Officiers et matelots de quart surveillent
la mer, déchiffrent la nuit, scrutent les
radars, reportent sans cesse des points
sur les cartes, égrènent les minutes sur
le livre de bord. Ils veillent sur notre
sommeil.
Au lever du jour, dans une grisaille
tenace, la côte d’Irlande apparaît dou-
cement devant l’étrave du navire. Tout
d’abord comme une sorte de long nuage
sombre qui barre l’horizon ; puis un
feu fait son premier clin d’œil. C’est le
point d’atterrissage pour rentrer dans la
rivière de Cork.
Quelques minutes plus tard, l’impres-
sionnante vedette des pilotes de Cork
s’approche du
Pont-Aven
pour déposer à
son bord le pilote qui guidera le bateau
jusqu’au terminal des ferries. C’est une
procédure inhabituelle. D’habitude, le
ferry se débrouille seul. Les officiers et
l’équipage ont passé les qualifications
nécessaires pour se passer de pilote.
Mais aujourd’hui, le commandant en se-
cond doit justement passer cette qualifi-
cation. Simple formalité ? Bien sûr, dans
la mesure où le second capitaine est déjà
un marin d’expérience qui connaît bien
cette destination. Mais cette rivière de
Cork est longue et délicate. Elle exige
une navigation précise et prudente. Les
courbes sont serrées et les hauts-fonds
jamais bien loin du chenal.
Plus d’une heure après, le
Pont-Aven
arrive à son terminal. Le commandant
en second est toujours à la barre, calme
Un paquebot
beau et rapide
Le
Pont-Aven
a été construit en Allemagne et lancé
en 2004. Il a été conçu plus comme un paquebot
que comme un ferry traditionnel, avec l’objectif
d’offrir à ses passagers un maximum de confort et
de distractions pour les traversées à destination de
l’Angleterre (Plymouth), de l’Irlande (Cork) ou de
l’Espagne (Santander).
Avec deux moteurs développant 51 000 cv et une
vitesse de croisière de 27 nœuds, le navire amiral
de la Brittany Ferries est le bateau le plus rapide en
service sur la Manche.
Ses caractéristiques :
Longueur : 185 m
Largeur : 31 m
Tirant d’eau : 6,8 m
Vitesse : 27 nœuds
Jauge : 41 000 t
Équipage : 184
Capacité voitures : 650
Capacité passagers : 2 400
Pas nécessaire de se rendre en Méditerranée ou aux Antilles pour profiter
des plaisirs d’une croisière. La Brittany Ferries propose une balade
irlandaise sur son vaisseau amiral, le
Pont-Aven
. Un ferry beau et vivant
comme un paquebot.
JEAN LALLOUËT
Le commandant Gilles Quéré et son second à la
passerelle : la remontée de la rivière de Cork exige
une grande attention.
REPORTAGE |
Croisère Pont-Aven