Salaün
Magazine
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Santiago la rebelle, Santiago la non-
chalante, Santiago encore sous le choc
de Sandy, l’ouragan qui l’a durement
touchée fin octobre. Quand on arrive de
Camaguey, par la
carretera central
, la
route qui traverse Cuba d’est en ouest,
on en perçoit les premiers signes. Des
arbres centenaires, haut d’une vingtaine
de mètres, emportés comme des fétus de
paille. Des toits arrachés, quelques mai-
sons jetées à terre. Et puis des camions
chargés d’équipements structurels, des
tuyaux, des poutrelles. Ce fut bref et
violent. Mais Santiago s’en remettra.
S’il le faut, à grands renforts de cierges
déposés au pied de la Virgen de la Ca-
ridad, la sainte patronne de Cuba, qui
repose dans le petit village d’El Cobre, à
quelques kilomètres de la ville. Trouvée
flottant sur la mer en 1612 par un es-
clave, cette petite statue n’a jamais cessé
depuis quatre siècles d’être un objet de
dévotion pour tous les Cubains. Et si
cela ne suffit pas, c’est son côté rebelle
qui lui donnera la force de surmonter
cette épreuve. Elle qui fut le siège de la
première grosse attaque contre le dicta-
teur Battista, le 26 juillet 1953, où un
jeune avocat nommé Fidel Castro lança
ses hommes à l’assaut du palais de la
Moncada, sur la façade duquel on peut
encore voir les éclats des balles.
La musique dans le sang
Nonchalante, Santiago ? Oui, sans aucun
doute. Peut-être à cause de ses ruelles en
pente où l’on ne peut marcher que len-
tement et si possible du côté de l’ombre.
Santiago est résolument tournée vers la
mer des caraïbes. Il fait chaud, ici. Près de
trois degrés de différence avec la Havane.
Javier m’emmène au café La Isabelica, une
véritable institution locale. Dans la salle
sombre, quelques tables où, à toute heure
du jour, les Cubains viennent déguster un
excellent café, payable en pesos natio-
naux. Une fois de plus, la conversation
s’engage, facilement. « Ici, me dit mon
voisin, il faut trois choses pour survivre :
une bicyclette, un réfrigérateur et un
ventilateur. La bicyclette, c’est pour aller
chercher la viande. Le frigo, c’est pour
conserver la moitié de la viande pour le
Sur la route, des arbres arrachés témoignent
de la violence de l’ouragan Sandy, qui a
dévasté l’ouest de Cuba en octobre 2012.
Les belles américaines
M
ême si les premières voitures qui ont roulé sur les routes cubaines étaient françaises,
le marché national fut dominé à partir de 1920 par l’industrie automobile américaine, jusqu’à
représenter 90% des véhicules en circulation à la fin des années 50. Pendant la guerre froide, l’Union soviétique devint le principal pourvoyeur
de voitures, envoyant régulièrement sur l’île des stocks de Lada, Volga, Moskvich et autres Fiat polski. Mais jusqu’à 2011, les Cubains ne pou-
vaient acheter et vendre que les véhicules mis sur le marché avant 1959. C’est pour cette raison que le parc des « almendrones », ces vieilles
dames colorées ayant pour nom Cadillac, Chevrolet, Pontiac, Plymouth ou Oldsmobile ponctuent encore de nos jours le paysage urbain de leurs
tâches colorées. « Los Cubanos saben de pelota et de mecanica », les Cubains excellent en baseball et en mécanique, dit un dicton populaire.
Et ils l’ont prouvé. Nécessité oblige, leurs mains expertes ont permis de continuer à faire rouler des voitures qui auraient depuis longtemps du
être mises au rebut. Si l’extérieur est la plupart du temps d’origine, il n’est pas rare de trouver sous le capot un moteur roumain, une direction
Citroën, une boite de vitesse Toyota ou encore une pompe à essence Mitsubishi ! Derniers témoins de l’avant-révolution, elles sont aujourd’hui
inscrites au patrimoine national.
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