Salaün
Magazine
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En route vers l’ouest, par l’autoroute A4.
Il faut bien admettre que les codes auto-
routiers sont un peu plus souples que
dans nos contrées. Les demi-tours sur le
terre-plein central ne sont pas rares et la
chaussée est largement partagée avec les
piétons, les cyclistes et parfois quelques
charrettes tirées par des chevaux. Le
transport interurbain est encore un réel
problème sur l’île. On s’en rend compte
à la longueur des files d’attentes. Un
homme ou une femme vêtue de jaune
– on l’appelle « l’amarillo » – se poste à
chaque arrêt afin de faire monter les gens
et maintenir une certaine discipline. Mal-
gré cela, beaucoup restent à quai et ceux
qui parviennent à se hisser à l’intérieur
du bus sont entassés comme du bétail.
Chaque personne possédant un véhicule,
camion, voiture, charrette est susceptible
d’en faire un usage professionnel. Sur le
bord de la route, les auto-stoppeurs sont
légion, hélant les voitures en tenant du
bout des doigts un billet de dix pesos.
Plus on s’éloigne de la Havane, plus
les immenses pancartes de propagande
ponctuent le paysage, avec des messages
politiques simples et percutants, sur fond
d’image du Che, de Fidel Castro ou de son
frère Raul, qui l’a remplacé à la présidence
en 2008.
Peu avant Pinard el Rio, une route
sinueuse s’échappe vers le nord en ser-
pentant entre les collines et rejoint la
vallée de Vinales. A quelques kilomètres
du village, depuis le mirador de l’hôtel
Los Jasmines, un paysage grandiose
s’offre au regard : les Mogotes. Adossés à
la cordillère de Guaniguanico, entourant
comme des sentinelles les vastes plan-
tations de tabac et les palmiers royaux,
ces excroissances calcaires recouvertes de
végétation résultent d’une lente érosion
de la roche par les eaux. Classées au
patrimoine naturel de l’Humanité, les plus
élevées atteignent quatre cent mètres de
haut. Vinales est un petit bourg de cinq
mille habitants, résolument tourné vers
le tourisme, avec sa longue rue principale
aux maisons colorées à colonnades joli-
ment rénovées. La région offre de belles
possibilités de randonnées et le nombre de
« casas particulares » destinées à l’héber-
gement des touristes a été multiplié ces
dernières années.
Fumeurs de havane
Au détour d’un virage, nous repérons un
vieux séchoir à tabac au toit de palme,
qui jouxte une petite maison rose perchée
sur la colline. Un petit bout de femme en
sort. Avec un grand sourire, elle propose
de nous faire visiter son séchoir. Marybel
est volubile et insiste pour nous offrir le
café chez elle. La maison de plain pied
est toute simple, avec quelques pièces en
enfilade, une cuisine rustique, et, sous
une terrasse couverte, les deux fauteuils
à bascule en bois qu’on retrouve dans
chaque habitation de la région. « On est
arrivé avec mon mari il y a cinq ans.
Au début, c’était difficile, on n’avait pas
l’électricité. Ils l’ont installé il y a trois
ans. Ca nous a changé la vie, surtout avec
les enfants ». Elle tient à nous montrer ses
arbres fruitiers, ses poules, son cochon.
Elle propose même d’appeler son mari qui
est parti faire sécher du tabac. Son rêve
est de moderniser la maison et d’offrir à
terme une ou deux chambres à la location.
La culture du tabac représente une part
très importante des exportations cubaines.
La qualité des graines et des sols, ainsi
que les années d’expérience, tant pour la
culture que pour la fabrication du cigare
lui ont donné une renommé internatio-
nale. Le tabac
criollo
est cultivé en plein
air, contrairement au
corojo,
qui pousse
sous serre ; c’est lui qui donnera les
meilleures feuilles, celles utilisées pour
la cape du cigare.
Ancré profondément dans la culture
nationale, le tabac est aussi source d’ins-
piration pour de nombreux artistes. Le
peintre Milton Bernal utilise des feuilles
de tabac pour recouvrir certaines parties
de ses toiles. Une fois sec, le tabac est
incrusté dans le papier. Il peint alors par
dessus pour finaliser son œuvre.
A droite, la vallée des
Mogotes entoure les
plantations de tabac.
Ci-dessus, une « casa del tabaco »,
maison au toit de palme dans laquelle
les feuilles sont mises à sécher
pendant vingt-cinq jours.
Ci-contre, dans la rue
principale de Vinales se
succèdent des petites
maisons colorées que
les habitants louent aux
touristes.
En bas l’artiste peintre
Milton Bernal
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