Table of Contents Table of Contents
Previous Page  80 / 116 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 80 / 116 Next Page
Page Background

Salaün

Magazine

| Page 80

reportages

d

ici

et

ailleurs

|

le

transsibérien

à la nature. Dans les cadres posés sur la commode, les visages

de leurs enfants, tous partis occuper des postes qualifiés en

ville : reviendront-ils eux aussi vivre en yourte un jour? “Ils

viennent toujours passer des vacances ici avec leurs propres

enfants, nous explique la maîtresse de yourte. Ça leur fait du

bien.”

Je repasse le film de ces échanges simples autour du poêle à

bois lorsque je m’endors à mon tour sous une yourte en fin

de journée. Aux quatre coins du pays, de petits campings de

yourtes accueillent les visiteurs, dont beaucoup de Mongols.

Dormir en yourte dans un paysage d’une beauté boulever-

sante est une expérience unique. Toutes les deux ou trois

heures, un Mongol frappe à ma porte pour venir recharger le

poêle à bois qui chauffe ma yourte. Je me rendors bercé par le

rythme d’un fier galop, celui de mon cheval mongol, à moins

que ce ne soit par le trot familier du Transsibérien.

Le train n° 24 d’Oulan-Bator à Pékin est chinois. Oubliée la

retenue des provodnitsa russes : ici, les chefs de wagon et

employés du train s’interpellent bruyamment, les bols de

nouilles passent de main en main et une joyeuse anarchie

s’empare du wagon. Nous avons parcouru 6700 km en train

depuis Moscou et il nous reste moins de 2000 km à parcourir

jusqu’à Pékin ! Deux nuits pour profiter d’un train à l’am-

biance très différente des premiers. Ici, pas de 1

re

classe, les

touristes sont mélangés aux Russes, Mongols ou Chinois qui

se rendent à Pékin. Deux étudiantes mongoles empruntent

le “Transsib” pour se rendre… aux USA. “Nous allons étudier

deux mois dans une université américaine, nous expliquent-

elles en distribuant les cartes pour une nouvelle partie de

Uno. C’est beaucoup moins cher pour nous de venir prendre

le train à Pékin que de partir d’Oulan-Bator.”

Le train quitte l’ancienne ville de feutre, dont les tentacules

de béton s’élèvent sur les collines environnantes striées

d’immeubles inachevés, la faute à la crise. La ville fait place

à la steppe et on se délecte d’observer la courbure du train

au détour d’une colline, de photographier à la sauvette un

troupeau de chevaux parcourant tranquillement d’immenses

prairies, de détailler l’urbanisme exotique des petites bour-

gades mongoles, d’apercevoir, de loin en loin, une yourte

isolée, de deviner sa chaleur dans un paysage battu par les

vents. La steppe devient de plus en plus sèche et, passé la

gare de Choir, on entre sur les terres arides du désert de Gobi.

On aperçoit au loin des mirages nous laissant croire à des

étendues d’eau posées par magie sur l’horizon. Des cadavres

d’animaux, chèvres, moutons, chameaux se décomposent ici

et là, et l’on devine que, d’une année à l’autre, en fonction

des pluies, la vie avance et recule dans l’immensité du désert.

Je repense à cette traversée du Gobi en véhicules 4x4 lors du

grand raid Brest-Qingdao, et à cette famille d’éleveur de cha-

meaux qui nous avait accueillis dans sa yourte.

Mais enMongolie, contrairement à la Russie, le Transsibérien

traverse en solitaire la majesté du désert. Les gares sont très

rares et, après notre deuxième arrêt, à Sainshand, nous ne

verrons plus âme qui vive jusqu’à Zamyn-üd, à la fron-

tière chinoise. Nous en profitons pour préparer nos plats de

nouilles, achetés à la va-vite sur le quai. Détail amusant, dans

À gauche : à moins de deux heures d’Oulan-Bator, le parc national de Gorky-Terelj offre une pause-nature éblouissante aux passagers du Transsibérien. Au programme, nuit en

yourte et randonnée à cheval au milieu de steppes boisées, traversées par des rivières et parsemées de yourtes nomades. Le cheval mongol, de petite taille, docile, résistant et

endurant est le compagnon indispensable du nomade mongol et du touriste désireux de s’initier au plaisir de la randonnée équestre.

À droire : chameaux dans le désert de Gobi.