Salaün
Magazine
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Le Cap dur,
le Cap des Tempêtes
Pointe la plus septentrionale du continent américain, le cap
Horn occupe une place particulière dans l’histoire de la
navigation. Avant le percement du canal de Panama, il marquait
le passage obligé de toutes les routes qui menaient les grands
voiliers vers le Pacifique, ses îles enchanteresses et leurs
précieuses épices.
En soi, son passage n’était pas difficile et pouvait être assez
bref. Ce qui l’était moins, c’était – pour un grand voilier
remontant mal au vent – de franchir le très long passage de
Drake, qui sépare la pointe de la Terre de Feu du continent
antarctique. Un endroit où les vents font le tour de la Terre sans
rencontrer le moindre obstacle, où les courants chauds du
Pacifique et froids de l’Atlantique s’affrontent, levant des mers
infernales et mortelles.
Dans ces quarentièmes rugissants ou cinquantièmes hurlants,
les voiliers qui voulaient passer de l’Atlantique au Pacifique
pouvaient aller des semaines à tirer des bords sans gagner le
moindre mille. Certains, comme la fameuse
Bounty
du capitaine
William Bligh, étaient obligés de renoncer et repartaient
vers l’est pour un tour du monde dans les mers australes,
afin d’aborder le Pacifique par l’ouest avec des vents plus
favorables.
Mais le symbole d’un passage réussi restait le cap Horn. Les
marins qui l’avaient franchi gagnaient le privilège de cracher et
de pisser au vent, de mettre un pied sur la table et de porter une
boucle d’or à l’oreille gauche.
Pour la boucle d’oreille, je n’ose pas. Quant au pied sur la
table du dîner, ce n’est même pas la peine d’y songer. Les
quarantièmes rugissants se réveilleraient bien vite…
Page de gauche : le phare du cap Horn.
En haut à gauche : aquarelle Ronan Olier – On accoste sur le Horn par le nord.
En haut à droite : le commandant du phare, un an de solitude en famille.
Ci-dessus : une plaque à l’honneur des capitaines au long cours.
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Argentine