Salaün
Magazine
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le roi, c’est le cheval. Quand il n’est pas
monté par un cowboy kirghize, il inscrit,
au gré de son humeur, son élégance
insolente sur la crête d’une colline.
En haut, chevaux en liberté dans une nature intacte.
A droite, l’étape déjà longue, ne prendra pas fin avant
d’avoir franchi la série de cols qui s’annoncent à l’horizon.
Ci-dessus, un col à 2500 mètres. Ci-contre, franchissement
délicat du lit d’un ravin. En bas, dans une vallée kirghize,
ces enfants sont venus à notre rencontre, à dos d’âne.
dans la vallée qui s’étire 1000 mètres plus bas et derrière laquelle une
route devrait nous attendre. On l’atteindra, cette vallée. Mais elle nous
apprendra qu’à quitter un tel paradis, on ne peut gagner que l’enfer.
Pour nous, il prendra la forme de 150 kilomètres de pistes sur les-
quelles, pour se croiser, deux ânes doivent baisser leurs oreilles. Nos
4x4 en viendront à bout. Avec péril et sans gloire. Le premier massif qui
se dresse devant nous, aussi gris que le précédent était verdoyant, est
d’une majesté sauvage. Il plonge ses pentes arides et brutales dans
un profond canyon et son sommet culmine à 2985 mètres. La route,
puisqu’il faut l’appeler ainsi, ne s’est pas encore remise totalement des
dommages causés par un printemps pluvieux. En de multiples endroits,
les éboulements viennent d’être sommairement dégagés et réduisent
dangereusement le passage. La fin de l’ascension se termine entre
deux murs de neige glacée. La température est tombée de 28 à 8°. Et
chaque lacet enroulé semble vouloir donner raison à ceux qui, en bas,
nous disaient que nous ne passerions pas. Nous sommes passés. Et
redescendus. Pour découvrir, alors que la nuit tombait, qu’il nous restait
encore 200 kilomètres à faire pour atteindre Naryn. 200 kilomètres de
très mauvaise route avec… un col. A 2500 mètres. A un caillou près. Il
était près d’une heure du matin lorsque nous avons mis un point final
à cette journée de 14 heures passée au cœur du Kyrgyzstan, dans un
des endroits les plus reculés de l’Asie centrale. 14 heures pour à peine
500 kilomètres. C’est beaucoup pour l’enfer. C’est peu pour le paradis.
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