Salaün
Magazine
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DOSSIER |
Portugal et Madère
À pied dans
les levadas
Contrée de la randonnée par excellence, Madère en offre toute la palette. Que l’on soit fan de
montées rudes, de sous-bois ombrageux, de panoramas maritimes, de plateaux rocailleux, de
cultures en terrasse… chacun trouve son bonheur et la difficulté voulue. Mais Madère a une
spécificité unique, les levadas. Ces canaux d’irrigation furent creusés, souvent avec grande
débauche d’efforts, pour acheminer l’eau de pluie tombant sur le versant montagneux nord-ouest
de l’île, le plus arrosé, vers les plaines et terrasses en contre bas où vivait la population, pour
l’usage quotidien, la production d’électricité et l’irrigation des cultures. Des chantiers titanesques
par endroits qui débutèrent dès le
xvi
e
siècle. Pour l’entretien des canaux que des pierres ou
branches pouvaient obstruer, un cheminement étroit à l’usage de la surveillance a été établi sur un
des côtés. Une douzaine de levadas parcourent l’île et s’entrecroisent pour créer un réseau de plus
de 1 500 km, dont 40 km de tunnels, aujourd’hui empruntés par les promeneurs. Comme la pente
devait être lente pour un bon écoulement, la balade est douce et accessible même aux personnes
sans expérience de la randonnée ni grande condition physique. Et par l’aménagement de tronçons
balisés, la distance se choisit, de 2 km à plus de 40 km, pour une heure ou une journée dans
des paysages vallonnés de toute beauté. Quelque 60 circuits pédestres sont ainsi répertoriés par
les guides. Le plus célèbre, et donc le plus fréquenté à certaines heures, est la levada do Risco
et la levada des 25 fontaines que l’on peut emprunter l’une après l’autre, sans risques malgré le
nom de la première. Le chemin débouche sur des cascades tombant dans un écrin de verdure. La
levada do norte fait partie des plus faciles, sans beaucoup de dénivelé, au milieu de capucines,
agapanthes, mimosas ou eucalyptus. Un bus ou taxi vous dépose au départ du tronçon et vous
récupère 6 km plus loin, même pas essoufflé !
C
’
EST À PORTO MONIZ QUE LA NATURE FACÉTIEUSE
A CREUSÉ DANS LA ROCHE DES PISCINES
OÙ L
’
OCÉAN SE RÉCHAUFFE VITE
au-dessus de la mer, en passant par des
routes de montagne sinueuses et étroites
en aplomb du précipice… L’expérience
est nouvelle pour beaucoup, mais com-
plètement sécurisée. Tant mieux, car le
programme est à ravir. Première halte
à Câmara de Lobos, petit port de pêche
traditionnel où les marins hissent leurs
bateaux sur le parking comme des voi-
tures pour un tableau des plus colorés.
Justement, c’est depuis une plateforme
minuscule, où une plaque rappelle l’évé-
nement, que Winston Churchill, dans les
années cinquante, s’adonnait ici à son
autre passion, moins connue, la pein-
ture, mais toujours cigare au coin des
lèvres. Il dut goûter l’ambiance survita-
minée des bars du port, emplis d’inter-
pellations entre pêcheurs pour partager
un verre ou quelques calamars séchés,
ou encore se raconter la frayeur d’un
instant aperçue sur le visage d’un tou-
riste tout près de là, au Cabo Girao. Au
sommet de cette plus haute falaise d’Eu-
rope, et 3
e
au monde, un belvédère au
plancher de verre a été installé. L’hésita-
tion est générale à l’invitation d’y poser
le pied. En dessous, la mer s’éclate sur la
plage, 580 m plus bas. Les plus sensibles
au vertige préfèrent alors contempler le
littoral, dégagé de part et d’autre de la
falaise pour une vue inouïe à 180°.
La diversité madérienne explose encore
au long du périple : un arc-en-ciel au-
dessus de la plage de Madalena do Mar
en sortant du couvert d’une visite de
bananeraie. Ou une plage de sable à
Calheta. Artificielle, car dans l’archi-
pel volcanique, la roche et les falaises
règnent en maîtres. (Sauf à Porto Santo,
surnommée l’île dorée, à 2h de ferry
de Madère et 30 minutes d’avion, avec
son immense plage de sable de 9 km
de long.) Mais restons sur Madère pour
tout de même une expérience bal-
néaire originale. C’est à Porto Moniz, au
nord-ouest, que la nature facétieuse a
creusé dans les roches des piscines où
l’océan se réchauffe vite pour le plai-