Salaün
Magazine
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S
i la Grèce n’est pas un
pays immense en termes
de superficie, son relief
étire les distances. À la
manière de l’Écosse, ses
côtes s’étiolent en une in-
finité de péninsules dont la
subtile dentelle enchante
le regard mais rend la circulation diffi-
cile. La Grèce du sud plonge ses doigts
de pierre – dans le Péloponnèse, on les
appelle plutôt des « pis » – dans un grand
nombre de mers et de golfes aux noms
mythiques, comme la mer Egée, le golfe
de Corinthe ou la mer Ionienne. Mais
c’est surtout le caractère montagneux
du pays qui augmente les distances et
explique qu’on peine à le saisir en un
seul voyage. C’est pourtant en Grèce
continentale que se trouvent les princi-
paux sites antiques, les hauts lieux de
la religion orthodoxe mais aussi l’âme
paysanne et montagnarde du peuple grec.
Thessalonique, la capitale de la Macé-
doine, est la deuxième ville de Grèce.
Cette métropole d’un million d’habitants,
ravagée par un terrible incendie en 1971,
ne se livre pas au premier regard. Grand
port à la fois industriel et étudiant, la
porte des Balkans est pourtant une étape
incontournable pour comprendre à quel
point le pays a subi, tout au long de son
histoire, des influences militaires, poli-
tiques et culturelles multiples.
Thessalonique,
cœur de la Macédoine
La ville, fondée par Cassandre de Macé-
doine au
iv
e
siècle avant notre ère, fut
d’emblée un point de passage important
sur la route de l’Orient. Les ruines en-
core visibles au cœur de Thessalonique
montrent que la ville était toujours une
place stratégique lorsque la Grèce devint
romaine, avant la conversion des empe-
reurs au christianisme.
Un minaret, encore visible aujourd’hui
indique qu’elle fut par la suite convertie
en mosquée. Mais avant de tomber sous
la férule des Ottomans, Thessalonique
fut aussi un des grands foyers de diffu-
sion du christianisme en Orient.
Thessalonique, comme tout le reste du
pays, a gardé de nombreuses traces des
quatre siècles passés sous le joug otto-
man. Niché derrière les remparts de la
ville, l’ancien quartier turc rappelle
d’ailleurs les hauteurs de Sarajevo.
Les mosquées et autres bains turcs
disséminés dans la vieille ville nous in-
diquent, que jusqu’au
xx
e
, Thessalonique
était même une des villes principales de
l’Empire ottoman. C’est d’ailleurs ici que
les idées nouvelles qui allaient boule-
verser l’Empire ottoman et mener à la
création de la République de Turquie
ont vu le jour. Kemal Atatürk, le père
de la nation turque, était d’ailleurs un
enfant de Thessalonique. On y visite
aujourd’hui encore sa maison, à deux
pas du consulat de Turquie. On l’oublie
parfois, mais ce n’est qu’en 1918 que
la Macédoine rejoignit la Grèce. Dans
les années qui suivirent, les tentatives
d’expansion grecque en Turquie vont
tourner à la débâcle et bouleverser le
visage de la ville et du pays. En 1922,
des centaines de milliers de Turcs sont
expulsés de Grèce, et autant de grecs
installés depuis des siècles en Turquie se
REPORTAGE |
La Grèce continentale