Salaün Magazine N°6 - page 28

Salaün
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étale ses eaux bleues sur près 9000 km
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,
à la frontière entre le Pérou et la Bolivie.
Posé sur l'altiplano andin, à 3800 mètres
d'altitude, il est parsemé d'une quaran-
taine d'îles, dont certaines sont habitées.
Si Amantani et Taquile sont les plus
grandes du territoire péruvien et de-
meurent des hauts lieux de la culture
et de la tradition inca, les îles Uros, à
quelques encablures de la rive ouest du
lac, sont certainement les plus célèbres.
Le miroir des Andes
Il faut une bonne heure pour grimper
le chemin qui mène au sommet de l'île
d'Amantani. A plus de quatre mille mètres
d'altitude, chaque pas coûte. Mais la
récompense est à la hauteur de l'effort. En
cette fin de journée, le lac s'endort et fond
ses couleurs dans un camaïeu de bleu aux
reflets argentés. Des légendes racontent
qu'au fond de ses eaux dorment des cités
d'or et d'argent, ou encore des sirènes aux
chants doux et mortels.
Sous les derniers rayons du soleil, les
pentes dénudées comme un mouton frai-
chement tondu prennent une couleur ocre.
A l'intérieur de petits terrains délimités
par des murets de pierre, des paysans,
pieds nus, foulent consciencieusement
les pommes de terre. C'est la saison des
chuños. Pendant plusieurs jours, les
pommes de terres sont étalées, piétinées
pour en extraire le suc et mises à sécher.
Ainsi déshydratées, elles se conserveront
toute l'année. Elles sont, avec le riz, la
base de l'alimentation aymara. A l'hori-
zon, les sommets de la cordillère royale
de Bolivie crèvent de leurs pointes une
ligne de nuages sombres. Il fait nuit quand
je regagne le village. Ici, aucun éclairage
public. Dans une totale obscurité, je colle
mes pas dans ceux de Sayda, ma guide,
jusqu'à la petite maison de Walter et
Wilma, chez qui je vais passer la nuit. A
Amantani, on ne choisit pas chez qui l'on
va dormir. La communauté a mis en place
un système de rotation afin que chaque
famille puisse travailler à tour de rôle. Une
soupe de quinoa et un morceau de viande
plus tard, je me glisse sous les cinq ou six
couvertures mises à disposition de chaque
voyageur pour affronter le froid andin.
Taquile la résistante
Au matin, la température est négative et
je guette avec impatience l'arrivée des
premiers rayons du soleil. L'air est d'une
pureté cristalline. Je rejoins l'embarcadère
où Tomas prépare son bateau. Huit mois de
l'année, il emmène ainsi les touristes d'îles
en îles. « Le lac est chaque jour différent,
explique-t-il. Aujourd'hui, il est calme,
mais parfois, la houle et le vent peuvent
le transformer en un véritable enfer ! »
Emmitouflé dans ma polaire, bercé par le
ronronnement régulier du moteur, je me
laisse envahir par une douce torpeur en
regardant le sillage étincelant que laisse
le bateau sur les eaux d'un bleu profond.
Selon la légende, c'est du Titicaca et
plus précisément de l'île du soleil, dans
la partie bolivienne, que Manco Capac,
obéissant aux ordres du soleil, entreprit
son long voyage pour fonder la ville de
Cusco. A trente-cinq kilomètres au nord
de Puno, la petite île de Taquile invite à
un voyage dans le temps. Ici plus qu'ail-
leurs, traditions et coutumes ancestrales
ont été conservées. Sur la place centrale
du village, une femme, adossée au mur
ensoleillé, profite des rayons qui la sou-
lagent d'une nuit trop froide. Elle me jette
un regard, lâche un discret sourire et se
cache aussitôt le visage sous la manta, le
traditionnel châle noir. Ses mains ridées
par les ans font tourner une toupie de
laine. A ses cotés, son mari, aiguilles
en mains, s'affaire consciencieusement
à dessiner des symboles mystérieux sur
le chullo, le bonnet de laine traditionnel
qu'il est en train de tricoter. A Taquile,
les femmes filent et tissent la laine et
les hommes tricotent. A la ceinture ou
à la coiffe qu'elle porte, on sait si une
personne est mariée, célibataire, veuve, si
Sous les derniers
rayons du soleil,
les pentes dénudées
prennent une
couleur ocre.
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