SALAUN Magazine n°4 - page 57

Voitures requinquées, nous pouvons enfin
quitter Astana pour mettre du sud dans notre
route.
Une première étape vers Almaty nous a menés
sur les rives du lac Balkash, dans la ville du même
nom. 600 kilomètres de bonne route la séparent
de la capitale kazakh.
Il n’en faut pas plus pour changer de paysage.
La steppe, jusqu’alors totalement plate, se
garnit de petites montagnes érodées par le
temps, qui se découpent sous un ciel tour à tour
nuageux et ensoleillé. Les lumières sont
magnifiques, même lorsqu’elles éclairent un
paysage industriel d’une autre époque. Avec ses
usines fumantes et ses mines à ciel ouvert. Et ses
villages de petites datchas offertes par la
"fabrique" à ses employés.
Le soir tombe lorsque nous arrivons sur la ville
de Balkhash.
On ne peut pas la rater. Quinze kilomètres avant
de l’atteindre, on aperçoit déjà les hautes
cheminées et les terrils de ses usines. Ici, depuis
des décennies, on exploite le cuivre. On peut en
respirer dans toute la ville. Ce n’est pas vraiment
bon pour la santé, mais Balkhash se targue du
titre de station balnéaire.
C’est le lac qu’elle côtoie qui lui offre ce titre. Un
grand lac, le quatrième d’Asie centrale.
Malheureusement pour lui, il a un lien de
parenté avec la Mer d’Aral : il se vide. Un
barrage le prive de son alimentation en eau
fraîche pour des besoins d’irrigation.
Le lac Balkash
Le Grand Raid Brest Samarcande
Salaün Magazine
l
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A une trentaine de kilomètres au sud d’Astana, on
trouve le village d’Akmola.
Akmola n’aurait ni plus ni moins d’intérêt que ces
centaines de villages construits autour d’un ancien
kolkhoze qui parsèment le paysage du nord du
Kazakhstan. Si ce n’était son histoire.
De 1937 à 1953, Akmola « hébergea » un goulag
particulier, connu sous le nom d’Alzhir. C’est le
sigle, en russe, de « Camp d’Akmola pour les
femmes des traîtres à la patrie ». Concrètement,
il « accueillait » les épouses des hommes qui
avaient été condamnés au goulag, à l’époque où
le régime stalinien faisait une chasse sans merci à
tous ceux qu’il considérait comme « dissidents »
Les femmes suivaient le destin tragique de leurs
hommes et se retrouvaient dans ces goulags
particuliers où elles arrivaient après avoir été
séparées de leurs enfants, que l’on envoyait dans
des camps ou des fermes.
Aujourd’hui, il ne reste plus de vestiges de ce
goulag. A sa place, des immeubles ont été
construits et la vie y a repris un cours normal.
A l’entrée de ce quartier – et de ce qui était le
goulag proprement dit – on a ouvert un musée
qui raconte cette sombre histoire et le martyre de
ceux qui y ont souffert et y souvent mort.
A côté de ce musée, on a érigé un monument, un
peu pompeux.
Pour ressentir une vraie émotion, il faut
contourner la grande usine, par des chemins
incertains, et se retrouver dans un terrain vierge
sur lequel se dressent deux modestes stèles
dédiées aux victimes de ce goulag. L’une porte la
croix des Chrétiens, l’autre le croissant des
Musulmans. Elles sont plantées au coeur de
l’immense fosse commune où l’on ensevelissait les
cadavres.
Les derniers prisonniers ont disparu. Ils seraient
aujourd’hui centenaires.
Akmola, le goulag des femmes
Sur les rives
du lac Balkash.
Les stelles, dédiées au victimes du goulag.
A l’entrée d’Akmola, l’Arche du Chagrin.
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